Prix Nobel de Médecine & cellules souches

16 octobre 2012

Eclairages en vue des débats au Sénat et à l’Assemblée Nationale pour répondre aux amalgames des promoteurs de la recherche sur l’embryon humain

  En réunion de groupe UMP, le sénateur Alain Milon a fait le point sur la recherche sur l’embryon humain en vue du débat au Sénat de lundi (PPL RDSE). Il a alors instrumentalisé l’attribution du Prix Nobel de Médecine pour appeler à l’autorisation de toute recherche sur les cellules souches. Sur le terrain scientifique, Marc Peschanski, principal promoteur français des cellules souches embryonnaires, fait de même.
 Ne nous y trompons pas, ce n’est pas la recherche sur les cellules souches en général qui doit bénéficier de cette découverte et de sa reconnaissance par le comité Nobel mais bien la recherche sur les cellules souches NON-embryonnaires. La récupération militante et intéressée par les promoteurs de la recherche sur l’embryon doit être dénoncée.
 Les partisans de la recherche sur l’embryon humain, dans l’impasse malgré 20 ans de recherche dans le monde, tentent à tout prix de profiter de la médiatisation du Prix Nobel, alors qu’ils sont hors du coup.
 Voici 5 clefs pour décrypter le message des militants pour la recherche sur l’embryon et répondre à leurs affirmations qui biaisent le débat et entretiennent la confusion à dessein.
 
1. Le Prix Nobel souligne les avancées fantastiques que peut apporter la connaissance des cellules souches !
Notre réponse : En ne parlant que de « cellules souches » dans leur discours, sans préciser leur ORIGINE, les militants de la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires, par leurs formulations volontairement incomplètes, tendent à entretenir l’AMALGAME (comme si les cellules souches étaient toutes embryonnaires). Ces imprécisions sabotent le débat démocratique en évacuant un enjeu éthique majeur. C’est un acte de dissimulation que de feindre d’ignorer la différence entre la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et NON-embryonnaires humaines.
 Par ailleurs, cellules souches embryonnaires et non-embryonnaires ne sont pas des axes de recherche complémentaires mais bien concurrents, l’un éthique, l’autre pas.
 En effet, les cellules souches reprogrammées (ou IPS) du Pr. Yamanaka, comme toutes les cellules souches, sont destinées à deux débouchés dans lesquels elles égalent ou surpassent les cellules souches embryonnaires :
 Pour l’industrie pharmaceutique (modélisation de pathologies et criblage moléculaire) : Les IPS sont en pointe, la technique est maîtrisée. Les doutes liés à la l’utilisation de vecteurs viraux pour la reprogrammation sont levés.
Pour la thérapie cellulaire : (greffe de cellules souches) Le risque de tumeur est aujourd’hui équivalent à celui observé avec les cellules souches embryonnaires. En revanche, le risque de rejet serait moindre qu’avec les cellules souches embryonnaires. Enfin, si le potentiel thérapeutique est équivalent entre cellules souches embryonnaires et IPS, l’obtention de ces dernières est plus simple (elles sont obtenues à partit du patient lui-même, il n’y a donc pas besoin de trouver d’embryons issus de diagnostics préimplantatoire).
 
2. Le Prix Nobel attribué au Pr. Yamanaka et au Pr. Gurdon est une excellente nouvelle. Il rend nécessaire d’autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches.
Notre réponse : La découverte du Pr. Yamanaka a ouvert une nouvelle voie, celle de rajeunir la cellule adulte, de rendre à cette cellule du corps humain, spécialisée dans un seul tissu, l’intégralité de sa mémoire. Cette découverte est extraordinaire parce qu’elle rejoint un des plus vieux rêves de l’humanité : le rêve de rajeunir ! Elle disqualifie la recherche sur l’embryon humain et pointe les errances stratégiques de la recherche française : faire de l’embryon humain à tout prix. Le Pr. Yamanaka est parvenu à cette découverte fantastique précisément en évitant la transgression inutile des destructions d’embryons humains. Utiliser la découverte de Yamanaka pour soutenir l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain alors que lui-même s’est imposé de ne pas y recourir pour des raisons éthiques, c’est non seulement trahir son travail et son génie, mais c’est se tromper de méthode.
 « Lorsque j’ai vu (cet) embryon, j’ai réalisé qu’il y avait si peu de différence entre lui et mes filles. Je me suis dit qu’on ne pouvait pas continuer à détruire des embryons pour nos recherches. Il devait y avoir un autre moyen. »
 (Pr Yamanaka, en 2006, propos rappelés dans la Vie le 11 octobre à l’occasion de la remise du Prix Nobel de Médecine récompensant sa découverte des cellules souches reprogrammées, aussi appelées IPS).
 Si le Pr. Yamanaka avait suivi les conseils des scientifiques français promoteurs de la recherche sur l’embryon, il n’aurait pas fait cette découverte dont tout l’objet est précisément de soigner SANS recourir à l’embryon. Le « tout-embryon » empêche d’envisager d’autres méthodes qui se révèlent plus efficaces, comme le montre l’attribution du Prix Nobel.
 
3. Alors que la communauté scientifique applaudit, la France a pris du retard et maintient une opposition conservatrice à la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
Notre réponse : Où est le conservatisme ? Où est l’obstination ? Alors que le Pr. Yamanaka a fait sa superbe découverte en favorisant la recherche sans détruire d’embryons humains ce sont les partisans obstinés de la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires qui creusent le retard de la France. Celle-ci, de fait, n’investit pas les sommes nécessaires dans une recherche plus efficace et plus éthique telle que celle récompensée par le Prix Nobel.
 Il faut rappeler que pendant que Yamanaka travaillait à sa découverte, une partie des chercheurs français promoteurs de la recherche sur l’embryon, invitait le fraudeur Hwang, aujourd’hui en prison, aux Folies Bergères pour lui décerner le prix de l’homme de l’année 2005, en raison de sa prétendue découverte du clonage humain.
 
4. La recherche sur l’embryon humain n’a pas encore fait ses preuves précisément parce qu’elle n’est pas autorisée en France.
Notre réponse : La recherche sur l’embryon humain existe depuis 20 ans dans plusieurs pays, notamment en Grande-Bretagne qui a été l’un des premiers à l’autoriser, sans résultats probants. A l’échelle internationale, seulement 3 essais cliniques ont vu le jour, 2 sont identiques, l’un a déjà été stoppé. Peut-on sérieusement parler d’une piste pleine d’avenir ?
 En France, lors des débats de 2011, les chercheurs reconnaissaient qu’ils n’étaient pas gênés dans leurs recherches par le régime d’interdiction assorti de dérogations (principe établi en 2004 et renouvelé en 2011). En effet, les rapports annuels de l’Agence de biomédecine font état de nombreuses autorisations de recherche accordées. L’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la recherche sur l’embryon humain l’est indépendamment de toute prétendue obstruction légale.
 
5. Les cellules IPS sont très intéressantes, mais les cellules souches embryonnaires humaines restent la mesure étalon, le standard de référence. D’ailleurs, le Pr. Yamanaka lui-même a utilisé des cellules souches embryonnaires pour parvenir à sa découverte…
Notre réponse : Concernant l’utilisation de cellules souches embryonnaires par le Pr. Yamanaka, cette information est volontairement donnée de façon incomplète. En 2006, dans sa première publication sur les cellules souches animales, il a utilisé des cellules souches embryonnaires ANIMALES, non humaines, issues de murins. En 2007, dans sa deuxième publication sur les cellules souches humaines, il n’a pas utilisé d’embryons humains.
 Il n’y a rien d’étonnant dans le fait que l’on utilise encore les cellules souches embryonnaires comme "gold standard" pour évaluer les iPS. Les cellules souches embryonnaires humaines sont historiquement la comparaison de référence (initialement, faute d’alternative). Aujourd’hui, la situation a changé. Les IPS, alternative « outsiders » il y a quelques années, deviennent « leader ». L’étape suivante logique est l’abandon progressif des cellules souches embryonnaires. Les recherches les plus récentes montrent que les iPS remplacent très avantageusement les cellules souches embryonnaires, sont sans complications et donnent les mêmes résultats, le problème éthique et du rejet en moins. De plus en plus de pays investissent dans les IPS et abandonnent les recherches sur l’embryon humain.
 La France, en facilitant encore davantage la recherche sur l’embryon humain par une disposition législative idéologique, envoie un message de violation de l’éthique et d’anachronisme scientifique.