Comment parler de la mort à son enfant ?

7 novembre 2011

Par Marie Manchon
Article paru dans MCAdS ou Mieux Connaître l’Angoisse de Séparation, numéro 7 - octobre 2011 : Association fondée par Bernadette Lemoine. Avec l’aimable autorisation de l’auteur


A partir de cinq ans, il n’est pas rare que les enfants commencent à s’interroger sur la mort. Cela commence parfois par le décès d’un proche de la famille, ou même d’un animal familier. Il peut arriver qu’après une telle situation, l’enfant pose carrément la question, « Est- ce que tu ne vas pas mourir toi aussi, Maman ? »
Derrière cette phrase, se cache une terrible angoisse d’abandon. En effet que devient-on lorsqu’on perd un de ses parents à un âge encore tendre !

C’est pourquoi il faut rassurer l’enfant.
Si les parents sont en bonne santé, il n’y a pas de raison qu’ils meurent. Alors, à une telle question, on peut répondre par exemple : « Je n’ai pas encore l’âge de mourir, je suis en bonne santé, et puis tu sais, on meurt quand c’est le moment. »
Cela rassure l’enfant qui comprend qu’il n’y a pas de raison que sa maman/son papa meure tout de suite. Pour aider un enfant, ne craignons pas d’aborder ce sujet si tabou avant même qu’il n’y soit confronté.


Si ceci est si difficile, c’est parce que ça nous ramène à nos propres angoisses. On peut commencer par lui montrer des insectes morts (petites mouches, … etc) ou des animaux domestiques en lui faisant remarquer que : « le petit chat, par exemple, ne bouge plus et ne bougera plus jamais, qu’il ne miaulera plus, que son corps est devenu tout froid, qu’on va le mettre dans la terre et que plein de fleurs pousseront là où il sera enterré. »

Il ne faut jamais mentir à un enfant, ni retarder l’annonce d’un deuil : il risque de perdre votre confiance ! Jusqu’à six ans, la mort est considérée comme réversible et l’enfant pense quela personne décédée peut revenir. Il n’est pas rare non plus, qu’il affirme l’avoir revue.Ce n’est pas inquiétant et ça l’aide à apaiser son angoisse. Mais de toute façon, quel que soit l’âge, il ne faut pas craindre d’utiliser le mot « mort ».
Attention aux phrases équivoques, car un enfant jeune prend les mots au pied de la lettre. Attention donc à ne pas lui dire que : « grand- père est parti » ou que : « grand-mère s’est endormie pour toujours ». Il risquerait d’attendre le retour de son grand-père ou d’avoir des insomnies car, dormir deviendrait alors très dangereux.


Quand un enfant perd un de ses parents il est bon de l’intégrer dans la famille éprouvée, caril s’y sent associé et non abandonné à son propre chagrin.

- L’avertir, quand il est jeune, que son parent ne bouge plus, qu’il ne bougera plus jamais et qu’il ne peut plus parler ni respirer, que son corps est froid.
- Lui répéter souvent qu’on continuera d’aimer le disparu, qu’on ne l’oubliera jamais et qu’il continue sa vie d’une manière différente, avec Dieu, qu’il prie pour sa famille.

Pour un tout-petit, les souvenirs sont très précieux (objets ayant appartenu à la personne décédée, voix enregistrées, vidéos, etc)
- Les émotions (colère, tristesse, révolte, angoisse, honte, peine), sont extrêmement importantes. Elles font parti du travail de deuil, et il est important d’aider l’enfant à les exprimer.
- Il a le droit d’être en colère, il a le droit d’avoir du chagrin. C’est une terrible épreuve pour un enfant que de perdre un de ses parents. Il ne faut donc pas hésiter à l’accompagner dans ses émotions. Il faut aussi l’assurer que sa vie va continuer, qu’il ira à l’école comme avant, qu’il continuera son sport du mercredi et toutes ses petites activités favorites.
- De même, il peut parler à son parent dans son cœur, celui-ci continue à l’aimer et ça le rend heureux de voir son enfant heureux.
- Il est nécessaire aussi de déculpabiliser l’enfant en deuil et de lui dire qu’il n’est pour rien dans cette mort.

Ceci peut paraître un peu étrange, mais l’enfant, inconsciemment, peut se sentir coupable de la mort d’un de ses parents (ou de son frère ou de sa sœur). Un exemple :
« Un enfant qui vivrait très mal la naissance d’un petit-frère. Ce petit frère vient à décéder subitement. Cet enfant sera persuadé d’avoir tué le bébé. »
Dans un tel cas, il est nécessaire de déculpabiliser l’enfant, et ce, plusieurs fois. Une rencontre avec un professionnel est même très souhaitable.

Peut-on lui proposer de voir le corps, l’emmener aux funérailles ?

Tout dépend de l’enfant. S’il le désire et si ce n’est pas traumatisant, pourquoi pas. S’il est jeune, il faut juste prendre la précaution de bien l’avertir que le corps est froid et qu’il ne bouge plus. Cela lui permettra de lui dire au revoir une dernière fois.

De même, il peut assister aux funérailles s’il le souhaite, car tout ce qui ancre l’enfant dans une réalité concrète l’aide à avancer dans son travail de deuil.

Marie Manchon