Dans un monde comme l’Occident où l’argent et la richesse sont la mesure de tout, où le modèle commercial du libre-échange impose ses lois implacables à tous les aspects de la vie, l’éthique catholique authentique paraît désormais à beaucoup comme un corps étranger, lointain, une sorte de météore, qui s’oppose non seulement aux habitudes concrètes de la vie, mais aussi à la pensée qui les sous-tend. Le libéralisme économique se traduit sur le plan moral par ce qui lui correspond exactement : la permissivité. Il devient difficile, sinon impossible, de présenter la morale de l’Eglise comme raisonnable, trop distante qu’elle est de ce qui est tenu pour évident, normal, par la majorité des gens, conditionnés par une culture hégémonique à laquelle ont même fini par se rallier de nombreux moralistes « catholiques » qui s’en font les défenseurs influents. (p. 95-96)
Dans la culture du monde « développé » a été rompu avant tout le lien indissoluble entre sexualité et maternité. Séparé de la maternité, le sexe est hors de son contexte, il s’est trouvé privé de son point de référence : il est devenu une sorte de mine flottante, à la fois problème et pouvoir omniprésent… une fois accomplie cette séparation entre sexualité et maternité, la sexualité a été séparée également de la procréation. Mais le mouvement a même fini par aller en sens inverse : autrement dit, procréation sans sexualité. De là s’ensuivent des expériences de plus en plus outrageantes – dont est truffé l’actualité – de technologie médicale où la procréation devient précisément indépendante de la sexualité. Progressivement, les manipulations biologiques déracinent l’homme de la nature (dont le concept se trouve contesté). On essaie de transformer l’homme, de le manipuler, comme on le fait pour toute autre « chose » : rien de plus qu’un produit planifié à plaisir…
Les effets d’une sexualité dans plus d’attaches avec la maternité et avec la procréation : il s’ensuit logiquement que toute forme de sexualité est équivalente, donc également digne. Il ne s’agit certes pas de faire ici du moralisme rétrograde, mais de tirer avec lucidité les conséquences des données qui précèdent : il est en effet logique que le plaisir, la libido de chacun devienne le seul point de référence possible du sexe. Celui-ci, sans une raison objective qui le justifie, cherche une raison subjective dans l’assouvissement du désir, dans la réponse la plus « satisfaisante » possible pour l’individu aux instincts rationne. Chacun est alors libre de donner le contenu qu’il veut à sa libido personnelle.
Il est donc naturel que se transforment en « droits » de chaque individu toutes les formes d’assouvissement de la sexualité. Ainsi, pour citer un exemple particulièrement actuel, l’homosexualité devient un droit inaliénable (et comment le nier avec de telles prémisses ?), et le reconnaître pleinement devient même un aspect de la libération de l’homme. – p. 96-98
Détachée du mariage fondé sur la fidélité de toute une vie, la fécondité, de bénédiction (telle qu’elle était entendue dans toute culture) se retourne en son contraire : une menace pour le libre épanouissement du « droit au bonheur de chacun ». Et voilà que l’avortement organisé, gratuit, socialement garanti, se transforme en un autre « droit », en une autre forme de « libération ». – p.98
Il y a des actions qu’aucune raison ne pourra jamais justifier, recelant en elles-mêmes un refus du Dieu-Créateur, et par conséquent une négation du bien authentique de l’homme, sa créature. Pour le Magistère, il y a toujours eu des points fermes, des poteaux indicateurs qui ne peuvent être déracinés ou ignorés sans rompre le lien que la philosophie chrétienne établit entre l’Etre et la Bien. En proclamant au contraire l’autonomie de la seule raison humaine, une fois qu’on s’est détaché du décalogue, il a fallu partir en quête de nouveaux points fermes : où s’accrocher, comment justifier les devoirs moraux si ceux-ci n’ont plus leurs racines dans la Révélation divine, dans les Commandements du Créateur ?..