D’un synode à l’autre

19 mai 2015

Un tremplin pour « un renouveau radical de la Pastorale » par l’évangélisation - une interview d’Alex et Maud Lauriot-Prevost pour France Catholique.

Vous êtes tous deux engagés depuis plus 30 ans dans l’évangélisation, et en particulier sur les sujets du mariage et de la vie affective. Qu’est ce qui selon vous a caractérisé les travaux du Synode de 2014 ?

Alex  : Le 1er synode extraordinaire sur la Famille d’octobre 2014 avait pour thème, rappelons-le, la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation. S’il a suscité un certain « bruit » médiatique et nourri certaines polémiques, il ne faudrait pas occulter ce qui selon nous, l’a fortement caractérisé : le rapport final comporte en effet, de nombreux passages d’une tonalité très missionnaire, qui sont parfois novateurs et courageux. Tous ces paragraphes furent approuvés à une large majorité. Ce 1er synode du pape François est donc très marqué par son empreinte missionnaire : il s’agit d’annoncer avec beaucoup de conviction, de bienveillance et de manière attirante et contagieuse, l’essentiel de l’Evangile de la Famille, et ce, jusqu’aux périphéries, pour rejoindre ceux qui ne croient pas ou ne croient plus, ceux qui ne correspondent pas aux ‘normes’ ecclésiales. Même s’il semble ‘accélérer le pas’ si l’on peut dire, François s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs - depuis Paul VI en 1975, puis Jean Paul II et Benoit XVI - qui n’ont cessé d’appeler à un renouveau missionnaire de toute l’Eglise, à une « nouvelle évangélisation ». Ce fil conducteur est désormais confirmé par une grande majorité de cardinaux et d’évêques dans le monde entier, comme l’ont révélé les synodes de 2012 et 2014.

Maud  : Si on regarde le détail de ce rapport final, on est tout d’abord frappé par l’accent mis sur le contenu et les enjeux d’une nouvelle évangélisation des couples et des familles :
- l’affirmation condensée du « kérygme » (si cher au pape François), mais appliqué ici au couple : depuis la création, Dieu a un dessein merveilleux pour les époux, et par l’œuvre de Salut de son Fils, il le sauve du péché et de l’errance pour lui permettre de vivre son merveilleux dessein d’amour et de communion (§ 15 et 16) ;
- la mise en évidence que cet « Evangile de la Famille » correspond aux aspirations existentielles, si souvent méconnues, des hommes et femmes de tout temps et donc d’aujourd’hui (§33)
- la nécessité qui en découle d’annoncer à tous cet Evangile d’où « l’urgence et le besoin d’une nouvelle évangélisation du couple et de la famille » (§ 29)
- l’affirmation que le don de l’Esprit dans le sacrement du mariage a pour effet de « libérer » le couple, dans son sens existentiel et spirituel (§31) ; il procure ainsi une joie « qui remplit le cœur et la vie toute entière ». Bien plus qu’une bénédiction ou une reconnaissance canonique de l’union de deux baptisés, ce sacrement est bel et bien le don du Salut du Christ aux époux. C’est ce don qui leur donne les grâces indispensables pour vivre durablement et fidèlement les promesses échangées lors de leur mariage.

Les pères synodaux traduisent-ils cette nouvelle évangélisation au plan pratique et pastoral ?


Maud  : Tout à fait, et on ne peut pas dire qu’en la matière, ils aient manié « la langue de buis » ! Leur propos sont très clairs et parfois assez radicaux (les pratiques très franches de François libèrent les énergies…). Les pères synodaux ont notamment souligné :
- la nécessité pour toute l’Eglise d’impliquer « d’authentiques familles chrétiennes » dans cette évangélisation pour rendre « un témoignage séduisant » (§43), tout autant par le témoignage de vie que par la confession claire de leur foi, ancrées dans leur propre « expérience de l’Evangile de la Famille » (§31 et 33)
- le fait que cet appel missionnaire des couples croyants découle du sacrement de mariage lui-même - le rapport parle même de « ministère » - et qu’ils doivent l’exercer en premier lieu dans leurs familles pour fonder de véritables « églises domestiques » (§30), qui certes éduquent et sanctifient, mais aussi évangélisent
- la nécessité d’une « conversion missionnaire » pour ne plus se focaliser sur la doctrine ou la morale de l’Evangile du Mariage, mais bien davantage sur une annonce existentielle et kérygmatique qui ne soit pas « détachée des problèmes réels des gens » et apporte des réponses à leurs souffrances, corresponde à leur attentes et à leurs besoins. (§32)

Alex  : Je relèverai pour ma part deux points complémentaires
- l’impératif d’une « conversion pastorale » des organisations ecclésiales, et spécifiquement de la pastorale familiale (§32 et 37), avec la demande d’une « remise à plat » de la préparation au mariage dans une perspective missionnaire, qui s’appuie bien davantage sur le témoignage crédible et attractif de couples chrétiens (§39)
- l’importance de voir certaines situations « non conformes » (cohabitation, mariage uniquement civil…), non comme des freins ou des écueils à l’annonce de l’Evangile du Mariage, mais au contraire, comme de vraies opportunités missionnaires (§42 et 43)

Maud  : Selon nous, ce synode de 2014 a mis en musique ce que Benoit XVI avait affirmé en 2012 lors de son homélie d’ouverture du Synode sur la nouvelle évangélisation : « Le couple est sujet et objet de la nouvelle évangélisation » ; ce qui signifie que le couple chrétien doit devenir un acteur-clé dans ce nouvel engagement missionnaire de l’Eglise, et que la vie de famille, avec tout ce que cela recouvre, soit dorénavant évangélisée en profondeur.

Alex  : Nous permettrez-vous d’exprimer peut-être un regret concernant les travaux de ce 1er synode ?... Il manque selon nous une évocation explicite à l’Evangile du Corps et de la Sexualité, développé de manière si pertinente par Jean-Paul II, et qui est un levier missionnaire puissant et incontournable aujourd’hui. Alors que le pape François l’a dénommé le « pape de la famille » lors de sa canonisation, il étonnant que le 1er Synode ait si peu évoqué sa mémoire et ses enseignements. Nous croyons cependant avoir compris que cet oubli devrait être rectifié durant le synode de 2015, comme on peut le constater dans les questions préparatoires qui intègrent des renvois aux textes de Jean-Paul II.

Que percevez-vous des différents axes de réflexion en cours alors que nous sommes aujourd’hui à mi-parcours entre les deux synodes ?

Maud  : Malgré certaines différences d’appréciation, un consensus de plus en plus large semble se dégager sur l’indissolubilité du sacrement de mariage. Cela semble peut-être évident, mais l’éventualité d’un « remariage » - un temps entrevu par certains sous certaines conditions lors du synode de 2014 - remettait en cause le caractère indissoluble du mariage. C’est pourtant inconcevable si on se réfère aux paroles mêmes du Christ : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». Au regard des débats post-synodaux, il semble clair que sera confirmé l’impossibilité d’un remariage catholique, sauf bien sûr si le 1er mariage est reconnu invalide.

Alex  : Il faut noter une insistance, qui est sans doute nouvelle à ce niveau de débat dans l’Eglise, sur le fait qu’affirmer l’indissolubilité du mariage implique dans le même temps l’exigence d’une attitude plus accueillante, plus aimante vis-à-vis de ceux - et ils sont nombreux - qui vivent des situations « non-conformes » : divorcés, remariés, conjoints séparés, homosexuels, couples en union libre… . Nous sommes tous pécheurs et si la faiblesse de l’un ou l’autre est plus explicite, il n’en demeure pas moins que chacun doit se sentir aimé, accueilli et respecté sur son chemin. Cela impliquera donc des changements concrets dans la vie de nos communautés chrétiennes.

Maud  : Par exemple, la vie d’une communauté missionnaire et ouverte ne peut se résumer à la seule vie sacramentelle, aussi importante et centrale soit-elle pour les croyants : comme certaines paroisses très vivantes l’illustrent en France ou ailleurs, il est nécessaire d’élargir les propositions comme des assemblées de louange et de prière, des exhortations spirituelles, des pèlerinages, des parcours missionnaires, des fraternités de quartier, des « dimanche en paroisse », une entraide plus proche et effective, etc. Cela permet l’accueil et l’intégration des plus lointains aux plus proches, cela respecte là où en est chacun, tout en l’accompagnant concrètement sur un chemin de foi et de conversion. Les paroisses qui ont fait ces choix, en raison de l’appel du Christ à évangéliser, connaissent une croissance régulière, que ce soit chez les catholiques, les anglicans ou les évangéliques.

Alex  : Depuis deux ans, le pape François insiste sur tous ces points et nous exhorte de façon récurrente, laïcs et pasteurs, à sortir vers les périphéries, à ouvrir nos cœurs, à quitter nos « mondanités » et à convertir nos pratiques de pharisien … Cette insistance du pape a produit ses effets, y compris dans ces domaines très sensibles de la vie conjugale ; les lignes ont donc bougé dans ce sens et nous nous en réjouissons. Nous estimons donc qu’il existe aujourd’hui un réel rapprochement entre - pour faire court - les tenants de la vérité et ceux de la miséricorde. C’est d’ailleurs très biblique : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps 84).


Un débat s’est ouvert également depuis plusieurs mois autour de la nécessité ou non d’une vie de foi pour des époux qui s’unissent dans sacrement de mariage ?

Alex  : En effet, c’est un point de réflexion nouveau et, selon nous, le plus saillant en cet entre-deux-synodes. Il s’inscrit dans un débat plus large sur l’appréciation ou non de la validité d’un sacrement de mariage. Si l’indissolubilité du sacrement de mariage ne risque pas d’être remise en cause, il y a une prise de conscience générale que de plus en plus de mariages catholiques sont de fait « invalides » (cette invalidité se rapportant bien sûr au sacrement, non au mariage et à la vie de famille qui ont pu être concrètement vécus et qui ont pu porter certains fruits très positifs durant des années).

Maud  : Le pape François lui-même le souligne sans ambiguïté : dans l’avion qui le ramenait de Rio en 2013, il avait soulevé la question de la validité des mariages en affirmant qu’il était d’accord avec son prédécesseur à Buenos Aires qui considérait que 50% des mariages célébrés dans son diocèse étaient invalides. Or, aucun pasteur, et en tout premier lieu le pape, ne peut se résoudre à ce que l’Eglise continue sans sourciller à célébrer des sacrements de mariage pour une bonne part ‘invalides’ : ce serait intenable au plan pastoral et injustifiable au plan théologique. Pourtant, cette situation dure et s’aggrave partout dans le monde.

Alex  : Rappelons les dispositions canoniques : un mariage entre deux baptisés ne peut être que sacramentel, et en cela indissoluble. Sur ce principe, l’Eglise a de fait marié depuis des décennies quasiment tous les baptisés qui se sont présentés. C’était sans doute compréhensible dans une société chrétienne, mais on voit bien où cette pratique conduit dans un monde fortement sécularisé. La situation pastorale devient de plus en plus absurde, voire ubuesque parfois : parmi ceux qui se marient, de plus en plus ne mettent jamais les pieds dans une Eglise et ont comme culture chrétienne le ’catéchisme’ transmis par les médias. Par ailleurs, certains divorcés redécouvrent une foi vivante, mais se trouvent ‘empêchés’ de se marier à l’Eglise en découvrant que leur 1er mariage est indissoluble, alors qu’il n’était motivé par aucun sens chrétien. Tant de fiancés ne demandent qu’un peu de symbolique sacrée dans une union 100% profane ! Ce qui renvoie aux propos du cardinal Etchegaray : « Beaucoup voient dans le sacrement de mariage un mariage civil saupoudré de quelques valeurs ou rites religieux, mais dans ce cas, on ne comprend strictement rien au mariage chrétien ! ».

Ce sujet n’est pas nouveau…

Maud  : Effectivement : le cardinal Ratzinger soulignait le lien organique entre la vie de foi et ce sacrement, et invitait l’Eglise à réfléchir sur l’évolution des critères retenus pour la validité d’un mariage. Jean-Paul II précisait que « c’est uniquement s’ils prennent part à l’amour du Christ, que les époux peuvent s’aimer jusqu’à la fin ». Benoit XVI appliquait au mariage les paroles du Christ : « sans moi vous ne pouvez rien faire » et en concluait à « l’incapacité de l’homme d’accomplir seul la réalisation du vrai bien ». Le dernier Synode demande dans son rapport final que soit clarifié le « rôle de la foi des deux personnes qui demandent un sacrement de mariage » (§ 48). Enfin, le pape François s’est prononcé précisément sur cette question lors de son discours au tribunal de la Rote en janvier : puisque « l’abandon d’une perspective de foi débouche inexorablement sur une fausse connaissance du mariage », il invite le juge matrimonial à « établir la vérité du moment du consentement », à examiner si l’échange des consentements « a été fidèle au Christ ou à la mentalité mondaine ». Ainsi, poursuit-il, pour « mesurer la validité du consentement exprimé », le juge doit « tenir compte du contexte de valeurs et de foi, ou de leur absence, dans lequel l’intention matrimoniale s’est formée ». 

Alex  : Ainsi, la vie de foi des époux au moment du mariage pourrait devenir un critère pour « mesurer la validité du consentement » pour reprendre l’expression du pape. Si cette ‘mesure’ est ainsi retenue pour apprécier la validité d’un consentement passé (discernement après un divorce), elle le sera nécessairement pour un consentement à venir (discernement avant un mariage). Ce serait alors un changement important de perspective, avec des incidences pastorales majeures. En matière de pastorale des divorcés, par exemple, ce nouveau critère permettrait de reconnaître l’invalidité du mariage initial d’un bon nombre de divorcés (cf. l’importance de l’invalidité qu’évoquait le pape), et leur ouvrirait la possibilité d’envisager un nouveau mariage à l’Eglise, désormais valide, dans la mesure où les conjoints le fondent sur le Christ.

Maud  : En matière de préparation au mariage, l’Eglise accueille avec joie et bienveillance tous les baptisés qui se présentent pour se marier, mais, s’il est prioritaire de prendre le temps de les écouter et de bien comprendre leurs motivations, il serait donc désormais indispensable d’accompagner les futurs mariés par étape au travers d’un chemin de type catéchuménal (ce que propose le Synode de 2014, § 39) pour les conduire à rencontrer le Christ vivant au cœur de leur amour, à goûter dans leurs vies ses œuvres de joie et de bénédiction. Bref, les évangéliser ! Cela leur permettra, une fois le Christ rencontré et confessé, de s’engager dans le mariage en ayant une pleine conscience devant Dieu et les hommes de leur alliance conjugale scellée avec le Christ lui-même. Alors, ils pourront consentir toute leur vie à la Parole de Jésus, « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! ».

L’Eglise est-elle prête selon vous à retenir en matière de pastorale du mariage ce que François recommandait au tribunal de la Rote ? Quelle en serait alors la portée ?

Alex  : Choisir ou non la vie de foi des conjoints pour « mesurer la validité du consentement » en matière de pastorale conjugale en reviendra au pape, sans doute après le Synode, mais l’assemblée d’octobre sera sans doute une étape déterminante dans le discernement de l’Eglise sur cette évolution. Celle-ci n’est pas sans poser de nombreuses questions sous certains angles théologiques, canoniques ou pastoraux : il est donc nécessaire d’y répondre de manière approfondie. Il est cependant légitime de souligner dores et déjà les précieux bénéfices d’une telle évolution si elle était effectivement retenue : apporter plus de cohérence entre théologie et pastorale sacramentelles ; redonner conjointement à la Vérité et à la Miséricorde toute leur place dans la pastorale matrimoniale ; la dégager de bon nombre de ses ambiguïtés et déverrouiller les cas polémiques ; recentrer la pastorale familiale sur l’évangélisation, sur une prédication qui parle au cœur de tous et aux périphéries ; lui impulser un nouvel élan missionnaire attractif et contagieux, que le Synode appelle de ses vœux. 

Maud  : Une telle évolution mettrait d’autant plus en évidence la nécessaire « conversion pastorale » et l’urgence d’un « renouveau radical de la pratique pastorale » auxquels nous invitent les pères synodaux (§ 32 et 37) : passer d’une pastorale du rite, du dogme et des valeurs, à une pastorale d’évangélisation, du témoignage, de l’expérience de la grâce, de la miséricorde, du kérygme conjugal, que ce soit avant le mariage ou après le mariage.

Les débats et les enjeux de ce synode sur la famille ne sont-ils pas à mettre en parallèle avec la place et la mission des baptisés, des laïcs et des couples au cœur du monde moderne ?

Alex  : Notons au préalable qu’il nous semble que la génération catholique actuelle assume sans doute davantage le fait d’être et de vivre en chrétien dans l’espace public, malgré un contexte social qui reste majoritairement critique, sinon hostile à leur égard : on l’a bien vu lors de la « manif’ pour tous », et on le constate chaque jour davantage dans les débats sur la laïcité où toute religion devient synonyme de « danger ». Cette génération accepte sans doute plus sereinement des positions inconfortables ou incomprises, voire prophétiques, quitte à devenir à la suite du Christ « signe de contradiction » pour le monde. Cela fait consensus dans l’Eglise en ce qui concerne les domaines caritatifs, sociaux ou économiques ; cela se dessine de plus en plus nettement dans le domaine du mariage, du respect de la vie et de la sexualité.

Maud  : Sur ces sujets, la préparation et le déroulement du Synode de 2014 ont certes réveillé de vieux ‘démons’ dans l’Eglise, notamment dans notre vielle Europe où certains sont restés fixés à de sempiternels débats idéologiques des années 60-70. Ce sont aujourd’hui des épiphénomènes, quoique les médias aient pris - bien sûr - un grand plaisir à les agiter et à les monter en épingle. Aujourd’hui l’Eglise avance, et avance même vite, aiguillonnée par l’Esprit-Saint et ses pasteurs énergiques et charismatiques tels Jean-Paul II et François ; elle va donc son chemin en construisant depuis Vatican II sur ce puissant renouveau baptismal, charismatique et missionnaire, cette « nouvelle Pentecôte pour l’Eglise » annoncée de façon prophétique par le pape Jean XXIII.

Alex  : Ce renouveau - le « plus beau fruit de Vatican II » disait Benoit XVI - a réellement introduit l’Eglise dans une nouvelle ère, le Catholicisme Evangélique comme le dénomme très justement Georges Weigel dans son dernier ouvrage. Selon son analyse très pertinente, l’Eglise retrouve aujourd’hui la ferveur évangélique des temps apostoliques, tout en s’adaptant au contexte post-moderne d’une société déboussolée, qui a soif et est en recherche. C’est frappant quand on observe certaines communautés ou certaines paroisses en croissance : elles redeviennent des communions de disciples en mission qui veulent partager à tous leur trésor, l’amour de Dieu pour chacun et les œuvres de bénédiction du Christ. C’est assurément une dynamique irréversible, qui monte en puissance et caractérise le réveil de l’Eglise catholique, sa présence au monde et son ambition missionnaire si chère au pape François : « Le plus important est la 1re annonce : ‘Jésus t’aime et t’a sauvé’ »

Maud  : Il y a donc un véritable enjeu à évangéliser le mariage et l’amour. Les catholiques nous semblent bien plus disposés aujourd’hui à assumer face au monde, sans complexe ni arrogance, leur différence en matière de mariage et de famille. Plus encore, ils perçoivent l’urgence de partager avec d’autres les bénéfices de vie, d’amour, de joie que leur procure la vie conjugale fondée sur le Christ : faire grandir son couple dans la durée et dépasser ses crises pour qu’il grandisse ; puiser en Dieu lui-même ses dons pour aimer et se donner ; vivre une sexualité belle et durable, tout en se gardant de l’érotisme ambiant ; être ouvert à la vie tout en exerçant une paternité et une maternité responsables ; savoir traverser ensemble avec foi et espérance les inévitables épreuves de la vie ; sécuriser les enfants dans un environnement stable et aimant, faire de sa famille un noyau solide mais aussi ouvert et accueillant ; etc. Bref ! Tout cela correspond à l’attente intime et profonde de chaque cœur humain, croyant ou incroyant, baptisé ou non ; c’est pourquoi le Synode affirme que « l’annonce doit faire connaître par l’expérience que l’Évangile de la famille est une réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine » (§33) .

Alex  : Le mariage et la famille sont en crise et nos sociétés n’y apportent que des réponses superficielles, erronées, au mieux partielles. L’élan missionnaire du couple et de la famille chrétienne, que le rapport final du synode de 2014 a mis en exergue a pour objectif d’apporter une réponse cohérente et pertinente face à cette crise. L’Evangile du couple et de la famille est redevenu attractif et crédible pour de nouvelles générations, et le monde l’attend, car « secrètement, il nous envie » disait Jean-Paul II. Il faut donc avoir le courage de le prêcher (§29) de manière vivante et de témoigner explicitement de ce trésor de vie irremplaçable, quitte à être quand il le faut signe de contradiction (§31). Maris et femmes, certes très imparfaits mais ayant fait cette expérience salutaire de la foi dans leur mariage, sont les missionnaires les plus crédibles de cet Evangile. Parce qu’ils en font d’abord l’expérience personnelle, parce qu’ils sont mandatés par le Christ du fait de leur sacrement de mariage, ces couples sont appelés eux-mêmes à devenir des « sujets actifs » de l’annonce de cette Bonne Nouvelle (§30).

Comme modérateurs de la « Communion Priscille & Aquila », cet appel à la mobilisation missionnaire des couples par le Synode doit vous réjouir. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Alex  : Pour la présenter brièvement, il nous semble, avec un peu de recul, que son charisme s’est sans doute imprégné de plusieurs courants qui irriguent profondément l’Eglise depuis Vatican II…
- Le renouveau dans l’Esprit qui a beaucoup contribué à réveiller et rajeunir l’Eglise,
- Le renouveau missionnaire au travers de la « Nouvelle Evangélisation »
- Le renouveau de la théologie et de la spiritualité conjugale impulsé par St Jean-Paul II.

Maud  : La Communion Priscille & Aquila a pour vocation singulière de rassembler en Eglise des couples ayant reçu un appel missionnaire commun, celui d’ « annoncer de manière explicite en couple l’Evangile du Christ ». Cet appel spécifique résume en fait toute notre charte, il est le support des différents engagements des membres, mais il peut s’exprimer de multiples manières, au travers de missions très diverses : paroisses, diocèses, communautés, mouvements, appels personnels, … La Communion n’organise pas de mission en tant que telle, mais se veut un lieu de ressourcement, de formation, d’entraide fraternelle et spirituelle pour ses membres, une sorte d’incubateur de missions adaptées à des couples et aux nouveaux enjeux missionnaires d’un monde si mouvant. Elle est reconnue Association Privée de Fidèle, et à ce jour, rassemble 24 couples dans 11 diocèses en France ; d’autres couples ont exprimé le désir de nous rejoindre pour discerner ensemble l’appel de Dieu. Pour plus de renseignements, nous vous renvoyons au site www.communion-priscille-aquila.com.

Alex  : Je me permets de rajouter que nous nous rassemblons chaque été pour une session, qui aura lieu à Lyon en 2015 du 28/7 au 1/8. Cette session est ouverte à des couples non-membres, engagés dans l’Eglise et l’évangélisation ou interpellés par cet appel. Les places sont cependant limitées à un couple extérieur pour un couple-membre afin de pouvoir accompagner chacun comme il se doit.

Pourquoi « Priscille & Aquila » ? 

Maud  : Les couples membres de cette Communion reconnaissent en Priscille et Aquila un archétype conjugal et missionnaire : pour l’annonce de l’Evangile, ils ont offert l’hospitalité à l’Apôtre Paul, coopéré étroitement avec lui dans l’évangélisation, formé des disciples, accueilli les croyants et annoncé l’Evangile dans leur maison, risqué leur vie pour sauver Paul et l’ont accompagné dans nombre de ses périples missionnaires. C’est donc tout naturellement que nous avons choisi de nous placer dans leur sillage !

Source : France Catholique n°3443, 1er mai 2015
Propos recueillis par Coralie Pinson